SOISSONS (02). Marie-Françoise Bechtel vient de sortir un livre d’entretiens avec Robert Chambeiron, le dernier membre du conseil national de la résistance. La députée de la circonscription se livre.
Pourquoi ce livre ?
Pour qu’un des tout derniers témoignages de première main sur la Résistance soit connu du public et des historiens. Il y avait là, dans les souvenirs de R. Chambeiron, tout un matériau très riche qu’il fallait absolument ne pas laisser perdre, d’autant que Robert a directement vécu ce dont il parle. Et l’importance de ce vécu saute aux yeux lorsqu’on sait qu’il s’est trouvé auprès de Jean Moulin, l’homme fort de la Résistance, parmi ce petit groupe d’hommes résolus qui l’ont appuyé envers et contre tout, puis ont dû préparer sa succession après sa liquidation par les Allemands.
Et puis tous ces gens, jeunes pour tant d’entre eux, qui ont pris en mains le destin de la nation aux heures les plus sombres, cela valait la peine d’être relaté pour les jeunes générations actuelles. Je fais partie de ceux qui croient profondément que l’avenir de la France se lit aussi dans son passé et qu’il y a beaucoup de leçons à en tirer.
Pourquoi vous pour l’écrire ?
Je suis une amie de vingt ans du couple Chambeiron. J’avais donc souvent entendu Robert évoquer ses souvenirs, avec une spontanéité et une précision qui faisaient que j’en redemandais toujours ! Un jour je lui ai fait remarquer qu’on ne pouvait laisser perdre tout cela et Robert m’a dit qu’il me faisait confiance pour mener avec lui une entreprise de restitution. Comme je sais avec quelle facilité il parle, j’ai pensé, et il en a été d’accord, que la forme d’entretiens vivants était la meilleure formule.Vous me dites qu’il a une résonance dans le secteur du Soissonnais, pouvez-vous développer ?
Je suis très frappée d’abord par la résonance des deux guerres mondiales dans le Soissonnais. Frappée aussi par le rôle qui a été celui de la Résistance, que ce soit à Soissons même avec par exemple Raymonde Fiolet dont nous avons récemment honoré la mémoire mais tant d’autres aussi. Je pense encore à la force de ces traces grâce au musée de la Résistance de Tergnier qui sous l’impulsion énergique de son président F.Leblanc, fait un travail remarquable auprès de toutes les générations.Comment avez-vous défini les thèmes des entretiens ? Sont-ils venus au fil de la conversation ou les aviez-vous décidés à l’avance ? Dans ce dernier cas, comment, dans quel but ?
Tout est venu au fil de la conversation mais cette spontanéité venait de ce que j’étais très « imbibée » déjà des souvenirs et analyses de Robert. Les questions me venaient donc tout naturellement et nous avons très peu remanié, sauf sur les répétitions. Pour moi, c’est un dialogue de générations puisque je suis née après la guerre, donc je n’ai pas vécu ce dont il est question ; j’ai voulu montrer aussi comment peut se faire une transmission directe : j’interroge, parfois, je demande des précisions, plus rarement je confronte avec d’autres approches.À quel rythme avaient lieu ces rencontres ? Était-ce prévu à l’avance ?
Nous avions décidé d’enregistrer nos conversations. Elles se sont déroulées entre fin 2010 et début 2011. Je venais donc rendre visite aux Chambeiron, plus souvent que de coutume, nous nous asseyions et commencions librement, en nous arrêtant tout aussi librement. Nous avons fait cela à raison d’une après-midi par semaine durant près d’un trimestre. Au fond, le contenu était prêt et ne demandait qu’à sortir.Avez-vous appris des informations en réalisant ces entretiens bien que Robert Chambeiron soit votre ami depuis longtemps ?
Oui, certes et, on le voit dans les questions, il m’est même arrivé de montrer mon étonnement. Je suis née après la guerre et quoi qu’ayant beaucoup entendu parler de cette époque, il reste toujours beaucoup à découvrir. De plus il y a, dans les réponses de Robert, de nombreuses informations tenant à son expérience directe de ce qu’il y a eu de plus politique dans la Résistance : la constitution du CNR bien sûr, mais aussi les rapports entre les différentes forces politiques, les liens entre Jean Moulin et le général de Gaulle. Tout cela pour être bien compris demande une analyse approfondie tenant compte de la complexité des choses. Ce n’est pas toujours blanc et noir, il y a des zones grises…Avez-vous été surprise par certains éléments ?
J’ai été surprise par les difficultés rencontrées par Jean Moulin auprès de certains résistants eux-mêmes, tels Pierre Brossolette, pour accomplir le mandat que lui avait confié de Gaulle d’unifier la Résistance. J’ai découvert aussi cette phrase juste et terrible du Général de Gaulle sur les causes de la défaite : « les élites ont trahi ». Je me rappelle encore mon étonnement devant les raisons pour lesquelles le programme du CNR n’avait pu retenir le vote des femmes : il fallait un large consensus national et celui-ci s’étendait à des partis qui n’en voulaient pas. Ce qui n’empêche pas ce programme d’être historiquement un des plus progressistes qu’ait connu la France…L’inédit est mentionné dans les écrits annonçant votre livre. Pouvez-vous préciser ?
Il s’agit soit d’anecdotes qui n’ont jamais été publiées par exemple sur la vie quotidienne dans la Résistance, soit de faits dont on n’a jamais non plus trouvé mention. Je pense à la façon dont est relatée la première rencontre, difficile, entre le représentant du parti communiste, A.Gillot et celui du parti socialiste, D. Mayer, lorsque la Résistance a imposé de trouver une entente après la grande fracture des accords germano-soviétiques et de Munich
http://www.lunion.presse.fr/accueil/une-deputee-fait-parler-un-resistant-dans-un-livre-ia0b0n335365
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