dimanche 23 août 2015

Dans l'univers des courses de lévriers à Soissons

Il existe onze cynodromes en France, dont un à Soissons qui organise régulièrement des courses de lévriers. Une activité aussi spectaculaire pour le public qu’exigeante pour les propriétaires.
Dans la boîte de départ, les chiens trépignent. Le moteur du leurre vrombit. La machine pétaradante s’élance sur son rail. Les aboiements redoublent à mesure que la frange en plastique qu’elle traîne sur le sable s’éloigne déjà. La grille bascule. Les lévriers bondissent. En silence maintenant, la gueule ouverte dans leur muselière. Les maîtres prennent le relais. Et vocifèrent leurs encouragements. Les casaques colorées se frottent puis se placent. À chaque seconde qui passe, les corps étirés dans l’effort accomplissent 15 mètres.
Les virages s’enchaînent. Les spectateurs cramponnent leur programme de courses. Suspense. Une vidéo capte le franchissement de la ligne d’arrivée. Le leurre décélère. Les compétiteurs se jettent sur leur cible mouvante dans une gerbe de sable. Le speaker annonce l’ordre. «  Ouais… ! C’est bien mon bébé !  » Christian Moiselet exulte. Ce local de l’étape ne réalise pas encore que ses deux protégés, Egan River et Irish Legend, engagés dans la 3 e  ont pris les deux premières places. Autour de Christian, d’autres propriétaires venus de la moitié nord du pays refont le match, alors que la prochaine course s’organise déjà.
Six à sept fois par an, comme ici le 12 juillet dernier, le cynodrome de Soissons, réservé aux courses de lévriers, réanime un drôle de décorum, aux rituels bien rodés. Avant de prendre le départ, les lévriers tournent dans un rond de présentation, sous le regard des parieurs, guidés par la cote officielle. Voire, plus aléatoire, par les noms croquignolets des athlètes. Comment ne pas s’arrêter sur French Cancan de la Victoire d’Iris ou Emmanuelle de la Source Étoilée ? À l’issue de chaque course, «  les chiens vont à la douche, pour ôter le moindre grain de sable. Sur les pattes surtout. Sans oublier les coucougnettes des mâles, parce que la chaleur passe aussi par là  », s’amuse du détail une propriétaire.
Relativement méconnu, l’oval axonais de 400 mètres est pourtant homologué depuis 1983. En France, il n’existe que 11 cynodromes. Le seul de Picardie est ici. Ses installations défraîchies tranchent avec la réputation de cette piste en sable arrosé, moins dangereux que l’herbe. Dans ses primes années, on s’y pressait, y compris de l’étranger, pour sa large bande de 8 mètres. Et ses virages relevés, moins accidentogènes.
À Soissons comme ailleurs en France, les lévriers engagés sont surtout des Whippets. Ces ballerines emmènent leurs 15 kg jusqu’à 60 km/h. On voit aussi des Greyhounds, les rois du sprint, davantage prisés outre-Manche, car plus rapides (70 km/h) malgré leur poids (35 kg). En juillet, mâles et femelles étaient mélangés. «  Moi, je préfère les femelles. À forme égale avec un mâle, elle sera plus maline en course  », estime Christian Siino, un propriétaire-éleveur, voisin de la piste, qui faisait courir ce jour-là Jeaga River dans la 6 e . Sans autre espoir que celui de la victoire.
Car en France, pas de « business » juteux autour des lévriers. La fédération n’enregistre que 450 propriétaires et un millier de chiens. Côté gains, un champion de France remportera une grosse centaine d’euros. Et à peine plus de 5 euros en pari mutuel. Aux antipodes des « Derbys » anglais ou irlandais, où le meilleur pourra faire gagner à ses propriétaires (ils doivent être plusieurs…) jusqu’à 250 000 euros.

« Sans les lévriers, aujourd’hui j’aurais deux maisons »

À Soissons, la réunion de juillet n’a attiré qu’une petite quarantaine de personnes. Les mises n’ont pas dépassé 400 euros, pour 28 chiens alignés sur six courses. «  C’est moins que d’habitude. La fourchette va en général de 800 à 3 000 euros  », chiffre Jacky Follet, le président de la Société Aisne course lévrier (SACL), attentif à la programmation des réunions. «  Toujours après le 5 du mois  », observe-t-il. «  On a du mal se faire connaître  », regrette pour sa part Christian Siino. Qui sait sa passion exigeante et coûteuse. «  Sans les lévriers, aujourd’hui j’aurais deux maisons  », confirme Christian Moiselet, pessimiste sur le renouvellement des propriétaires. Lui-même n’a plus que deux chiens en course, après en avoir eu jusqu’à neuf. «  Les jeunes ne s’accrochent pas, parce qu’ils voudraient avoir des chiens tout prêt-à-courir  ». Et très vite de préférence. Le 12 juillet, le record de l’après-midi s’est adjugé en 18,20 secondes les 277 mètres.

http://www.lunion.com/node/532800

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