vendredi 17 avril 2015

Le blues des généralistes du Soissonnais

Les médecins traitants tirent la sonnette d’alarme sur la pénurie annoncée en offre de soins à Soissons. Témoignage de l’un d’eux, un quadra qui pense déjà à cesser le libéral.
Grégory Vasseur, depuis quand être vous généraliste à Soissons ?

J’ai depuis 2008 une activité mixte en médecine libérale, avec mon épouse, et aux urgences de Soissons. J’arrive au constat que la situation se dégrade des deux côtés. Avec la loi santé, on a craqué une allumette sur un baril de poudre.
Pourquoi faut-il s’inquiéter ?
 

Le système est de plus en plus administratif. On nous laisse de moins en moins de marges d’action dans notre activité de prescription. On nous implique de plus en plus dans une maîtrise budgétaire de la santé.
Comment cela se traduit-il ?
 

On reçoit deux fois par an nos statistiques et nous avons des visites de personnels, non médical, de l’assurance maladie qui contrôle nos prescriptions. Même si en Picardie, il n’y a pas une grosse pression. Mon activité mixte me permet de conserver une liberté de prescription et de parole. je ne suis pas syndiqué, je n’appartiens à aucun parti. Je m’exprime en tant que généraliste, urgentiste et citoyen. Je n’appliquerai pas le tiers payant. Je vois ça comme une atteinte à ma liberté, comme si mon acte ne valait plus rien. On ne m’a pas demandé mon avis. Pour moi, le paiement par le patient n’est pas un frein aux soins.
Pour vous, c’est la baisse des effectifs de médecins qui devrait inquiéter nos dirigeants ?
 

On est déjà obligé de refuser du monde. La gestion du temps est très compliquée. On a quinze minutes maximum à consacrer aux patients, avec de plus en plus de polypathologies. On le vit très mal. On pourrait travailler 24/24 et 7/7, on aurait quand même du monde. On ne peut pas encore parler de pénurie. Mais d’après nos calculs, en raison de départs à la retraite notamment, 8 à 10 000 personnes, dans le Soissonnais, pourraient se retrouver sans médecin traitant d’ici cinq ans. Le renouvellement n’est pas assuré et il n’y a aucune perspective dans ce sens à cause du manque d’attractivité de la médecine libérale. Je ne veux pas me plaindre. Je ne suis pas inquiet pour moi, je trouverai du travail, je suis inquiet pour l’accès aux soins.
Quelles sont vos conditions de travail ?
 

Je travaille soixante heures par semaine, sans compter les formations et les stages. C’est de plus en plus tendu. Et en hôpital, c’est pire. On a un système qui repose que la bonne volonté des gens. On n’a pas beaucoup investi sur le facteur humain.
Qui est responsable de cette situation ?
 
C’est bien le problème : on ne sait pas. Je pensais que les ARS (agences régionales de santé) étaient une bonne idée, mais leur vocation est de faire des économies. Nous avons été formés pour privilégier la qualité des soins, pour être comptable. Ça fait des années qu’on fait des réformes et rien n’est réglé. On voit de plus en plus de maladies chroniques et un vieillissement de la population et on n’aura pas, dans les années à venir, les moyens d’y répondre.
Votre avenir, vous le voyez comment ?
 

Avec mon épouse, nous cesserons notre activité libérale si la loi santé est appliquée en 2017. Il faut que nos dirigeants prennent conscience des dégâts qu’ils font. Et il faut être honnête envers la population : on va vers une médecine beaucoup plus étatisée avec, à terme, non pas de paiements à l’acte mais au nombre de patients traités. Je fais ce métier par passion mais j’ai l’impression de me décourager et je ne veux pas finir aigri.

http://www.lunion.com/node/444023

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