jeudi 26 juin 2014

Ces dames courage de Soissons

 Alors que la guerre débute, des femmes accomplissent des missions sanitaires et sociales et assument des responsabilités politiques qui suscitent bien des critiques.

Lorsque les Allemands arrivent le 1er septembre 1914 devant Soissons après avoir paradé dans les rues de Saint-Quentin, le maire Victor Becker et de nombreux habitants de cette sous-préfecture de l’Aisne ont préféré quitter la ville. D’autres sont restés et ils voient l’ennemi entrer dans la cité, poussant devant lui des otages. Le pillage des commerces et de plusieurs maisons commence tandis que l’hôtel de ville est fouillé de fond en comble. L’envahisseur est persuadé que des militaires français s’y sont dissimulés.
Les officiers cherchent un interlocuteur et on leur indique la « Dame de la Croix-Rouge », Jeanne Macherez qui revient du couvent des sœurs de l’Enfant-Jésus où elle a déposé du matériel sanitaire puisque les locaux sont transformés en ambulance. Cette sexagénaire dévouée est la veuve d’un ancien député et sénateur du département qui a également été vice-président de la chambre syndicale des sucres de France. Fondatrice de « La Goutte de lait » en 1909 pour une meilleure santé des nouveau-nés, elle est la responsable de la Croix-Rouge du comité Soissons-Braine et siège au comité national. Jeanne Macherez est invectivée parce que l’occupant exige ravitaillement et réquisitions. Elle toise le militaire qui lui donne des ordres et répond avec un grand calme : « Le maire c’est moi ». Elle réagit avec le même sang-froid que d’autres femmes de la région comme Mlle Migeot, institutrice à Lalobbe (Ardennes).

Intelligence et autorité

L’Axonaise tient tête à l’adversaire dénonce les pillages et en impose même à un général qui exige néanmoins la fourniture dans les dix jours de soixante-dix mille kilos de lard, de jambon, de viande fumée, de poisson en conserve, de légumes secs ainsi que soixante-dix mille kilos de nourriture pour les chevaux. Elle se bat pied à pied pour atténuer les souffrances induites par les exigences allemandes. Elle est aidée par Mgr Pierre-Louis Péchenard, évêque de Soissons ainsi que par un notaire, Me Blamoutier. Cette gestion est critiquée par M. Muzart, conseiller municipal qui a formé un comité de secours. Il assure que c’est lui qui fait fonction de maire à compter du 3 septembre. L’échec des Allemands sur la Marne les contraint à la retraite et le 12 septembre 1914, ce sont les chasseurs d’Afrique et les zouaves de la 45e division qui entrent en ville. L’ennemi s’est alors replié sur le plateau qui domine la rive droite de l’Aisne. Depuis Pasly et Pommiers l’artillerie allemande tire au hasard sur la ville.
Les blessés affluent et Jeanne Macherez confie leur accueil dans l’ancien collège à une jeune parisienne volontaire, Germaine Sellier, 25 ans. Bientôt, le préfet Robert Leullier désigne Georges Muzart comme maire. On n’imagine guère qu’une femme puisse assumer de telles responsabilités ! L’infirmière minimise son rôle devant les journalistes mais en ville, ils entendent surtout des compliments et des témoignages sur le courage exemplaire de cette femme. « Elle a été l’âme et le cerveau de Soissons en ces jours d’épreuve et de péril », « Elle s’en tire à merveille et inspire toute confiance et respect » entendent-ils. « L’Illustration » consacre un article à « La mairesse de Soissons ». Le « Petit Écho de la Mode » parle de la « Dame de fer ». Le 4 décembre 1914, elle reçoit une citation civile dans laquelle le gouvernement porte à la connaissance du pays sa belle conduite. Le 19 janvier 1915 c’est « Le Petit Journal » qui parle de l’exemple de cette « Grande dame de l’Aisne » tandis que Germaine Sellier est surnommée « La Dame blanche ». Le maire Georges Muzart fait le service minimum lorsqu’on enquête afin de proposer Jeanne et Germaine pour la croix de guerre.

Décorations méritées

Jeanne Macherez est citée à l’ordre de la division : « Pendant l’occupation allemande, a fait preuve de la plus grande ténacité pour défendre les intérêts français et a donné, dans les mois qui ont suivi, un exemple magnifique du mépris du danger. Passionnément attachée au pays et à l’armée, elle a fait face dans des circonstances les plus périlleuses à d’incessantes difficultés, donnant à tous le plus beau témoignage de dévouement et de vaillance ». Germaine Sellier est citée à l’ordre de l’armée : « A témoigné en toutes circonstances d’une grande bravoure, en consacrant avec abnégation au traitement des blessés et des contagieux dans un bâtiment éventré sans cesse par les obus ».
La citation indique aussi qu’elle a été blessée au genou par une balle de shrapnell. Il faut savoir qu’une autre infirmière Anne Canton Baccara chargée de l’ambulance de Vauxbuin faite prisonnière par les Allemands et blessée par un éclat d’obus est décorée de la croix de guerre avec palme et reçoit la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Ses deux assistantes, Geneviève et Jeanne de Maistre reçoivent aussi la croix de guerre avec palme.

http://www.lunion.presse.fr/region/ces-dames-courage-de-soissons-ia3b26n368616

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