jeudi 31 octobre 2013

L’histoire du vase bien ébréchée

Christophe Granger est historien. Il a enseigné l’histoire contemporaine notamment dans les universités de Paris-1, Paris-8, Versailles et Strasbourg. Il dirige la collection : Leçons de choses. Il vient de publier aux éditions Autrement : Le vase de Soissons n’existe pas et autres vérités cruelles sur l’histoire de France.
Comment vous est venue l’idée de ce livre ?

L’idée de départ était de s’intéresser à l’histoire de France en se recentrant sur des objets avec une symbolique forte. Au cours de 2000 ans d’histoire nous avons essayé de comprendre à quoi servaient ces objets, sur quoi ils étaient fondés et par qui ils avaient été créés. Certains objets ont d’ailleurs réellement existé et existent encore.Pourquoi avoir choisi le vase de Soissons pour votre titre ?

Le vase est l’emblème de ce que l’on a essayé de faire dans le livre. C’est un point de départ primordial de l’histoire des Francs et de Clovis. Celle-ci a été retranscrite en plusieurs étapes par la suite.Pouvez-vous nous les rappeler ?

Il y a tout d’abord eu les écrits de Grégoire de Tours au VIe siècle qui demeurent aujourd’hui la source la plus proche des événements et la seule que l’on peut aujourd’hui utiliser. Ce dernier a construit l’épisode du vase de Soissons comme l’acte fondateur de la monarchie des Francs. L’histoire est devenue une légende, la légende un mythe repris durant tout l’Ancien Régime jusqu’aux philosophes des Lumières. À cette époque l’histoire est jugée violente et non compatible avec les principes progressistes du moment. Il faudra attendre les manuels scolaires de la troisième république pour voir le vase de Soissons revenir à la page mais cette fois-ci officiellement sous la forme d’un mythe.

Qu’est ce qui vous permet d’affirmer qu’il s’agit d’un mythe et non d’un fait réel ?

Je pourrai retourner la question en vous demandant ce qui permet d’affirmer la véracité de l’histoire ? Plusieurs éléments laissent perplexe. Dans son testament, Saint-Rémi, lègue l’objet que Clovis lui avait remis après la bataille or l’objet, sûrement un vase avec une fonction de patène, était censé avoir été brisé. De plus, plusieurs versions se sont contredites par la suite jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune trace du vase dans les écrits. Aucune source ne permet depuis de soutenir son existence.

En avançant ces éléments, vous vous attaquez à l’un des mythes fondateurs de Soissons…

Le faux crée du vrai. Un objet symbolique a fixé un moment clé de l’histoire de France. C’est un élément fédérateur qui a une grande puissance d’évocation pour le peuple. À mon sens le mythe est plus en danger du fait qu’il va sortir des manuels d’histoire. Dans trente ans quels jeunes se souviendront de cet épisode ?

http://www.lunion.presse.fr/accueil/l-histoire-du-vase-bien-ebrechee-ia0b0n241806

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