dimanche 16 septembre 2012

MARGIVAL (02) Ces bunkers d’Hitler oubliés

Au « Ravin du Loup » dans l’Aisne, une immense zone forte devait servir de QG au Führer en prévision du débarquement. S’il n’y vint que 12 heures, le lieu respire encore l’Histoire.

L’Histoire l’a oublié. Injustement. Car c’est au quartier général « Wolfsschucht II » à Margival dans l’Aisne, que le sort de Paris s’est joué.

L’ordre d’Adolph Hitler, transmis le 26 août 1944 à ce centre de télécommunication de l’armée allemande, se voulait pourtant clair : « Toutes les rampes d’armes "V" du Pas-de-Calais, du Nord et de Belgique doivent déverser sur Paris un déluge de feu. » La capitale, tout juste libérée, échappa à la dévastation. De peu. Ce jour-là, c’est le général Speidel qui réceptionna le message. Par amour pour Paris, l’officier détruisit la missive.

Au « Ravin du Loup », l’autre nom donné à ce QG réputé comme l’un des plus verrouillés de l’Europe nazie, ce genre d’anecdote sur la Seconde Guerre mondiale suinte à travers le béton outragé par le temps et la végétation envahissante. Sitôt passée sa grille d’entrée, cette zone militarisée fantomatique agit sur le visiteur, invité la découvrir ce week-end, comme une machine à remonter le temps.

600 lignes de téléphone

Immense, ce camp est composé de 860 bunkers et autres bâtis disséminés sur un rayon de 6 km. L’un d’eux, long de 108 mètres, abritait le plus grand centre de transmission allemand. Ses 600 lignes téléphoniques pouvaient joindre tous les fronts, de Rome à Stalingrad.
Le Führer disposait aussi d’un appartement bunkerisé, ravagé en 2007 par un incendie. Plus haut sur le coteau, une piscine encore visible, voisine un autre bunker dont le casernement d’époque a été reconstitué jusque dans l’ambiance sonore des alarmes et bruits de mitrailleuse.


« Le "W2 "a été construit en 18 mois, entre 1942 et 1944, par 22 000 ouvriers, principalement du STO (N.D.L.R. : Service du travail obligatoire). Il a nécessité 250 000 m3 de béton », détaille Didier Ledé, de l’association ASW2 qui, avec une poignée de passionnés d’Histoire et peu de moyens, tente d’entretenir le site jadis livré à l’abandon et aux pillages.

Construit à la demande du Führer pour y piloter les opérations en prévision d’un débarquement à l’Ouest, le lieu n’a pas été choisi au hasard. Doté d’un tunnel ferroviaire (toujours utilisé par la SNCF) susceptible de cacher le train blindé du Führer, le camp se trouvait surtout dans une vallée encaissée et en zone interdite.

Hitler ne s’y rendra (en avion…) qu’une seule fois, le 17 juin 1944, pendant 12 heures, afin de sermonner ses maréchaux qui n’ont pas réussi à convaincre leur chef suprême de changer de stratégie. « En une seule journée, il ruina toutes les chances que la Wermacht avait encore de repousser les Alliés à la mer », raconte Didier Ledé. Tendue, la rencontre se déroula en partie dans un abri antiaérien, accessible à la visite. Ce fut le troisième et dernier passage du dictateur en France. Avec là encore, un épisode incroyable.

Hitler était venu aussi à Margival pour exposer ses plans d’attaques sur Londres à l’aide des fusées V1. Or, l’une d’elle partie le matin même de Vignacourt (près d’Amiens) s’écrasa par erreur à 2 km du camp, qui plus est près du village… d’Allemand !

Le camp investi par l’OTAN

Le 1er septembre 1944, les Alliés finirent par investir les lieux abandonnés à la hâte. À leur arrivée, « les centrales électriques y fonctionnaient encore », raconte Éric Trinon, le secrétaire de l’association. Par la suite, « l’OTAN y a installé entre 1952 et 1966 son centre de commandement en Europe, avec 1 500 militaires sur place. »

Ensuite récupéré par l’armée française (jusqu’à sa vente en 2000 aux communes alentour), le « W2 » a servi de centre de formation pour commandos, lesquels pouvaient s’entraîner dans un village factice aujourd’hui avalé par les branchages. Au regard de toutes ses vies successives, « le site est longtemps resté classé top secret », ajoute Éric Trinon, aujourd’hui bien décidé à ce que le « Ravin du Loup » sorte, enfin, de l’ombre.
La Wolfsschucht II est situé à Laffaux-Margival, entre Soissons, Laon et Coucy-le-Château. Visites gratuites samedi et dimanche, de 10 à 18 heures ; également le dernier dimanche de chaque mois (mars à septembre). Durée de la visite : 1 h 30 pour une boucle de 1,5 km, prévoir des chaussures de marche. Contact au 06 03 71 22 30. Plus d'information sur Internet.
 

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